Jul 5, 2025

Pour les vacances, les Français optent de plus en plus pour les cars longue distance. Photo Sipa/Adil Benayache Un autocar vert vif entame sa marche arrière et quitte le quai de la gare routière de Bercy, à Paris. Subitement, un homme crie et fonce vers le véhicule pour l’arrêter, un bras en l’air pour faire signe au chauffeur. Celui-ci s’arrête et laisse monter le retardataire. Le chanceux prend la direction de Lisbonne. Ce matin-là, les voyageurs sont nombreux dans la gare routière la plus fréquentée du pays (environ 5 millions de passagers par an), loin devant celle de Lyon-Perrache (2,7 millions) et de Grenoble (1,25 million). Depuis 2015, le secteur des autocars librement organisés – également appelés "cars Macron", du nom du ministre de l’Économie de l’époque – est en « expansion », selon l’Autorité de régulation des transports (ART), qui a publié une étude en juin . 6 euros pour 100 kilomètres en moyenne L’an dernier, 11,1 millions de personnes ont voyagé en car longue distance entre deux villes françaises, 18 millions au total avec les liaisons internationales. Pour la partie domestique, la fréquentation est en hausse de 14 % par rapport à 2023 et de 5 % par rapport à 2019. Les raisons du succès ? Une offre de plus en plus importante et régulière (1479 liaisons entre 197 villes françaises) essentiellement proposée par les deux mastodontes du secteur (Flixbus et BlaBlacar) et des prix bas (6 euros par passager pour 100 kilomètres en moyenne, contre 11 euros pour le train ), détaille le rapport de l’ART. Le manque de trains profite aux cars Pour Chloé Petat, consultante et experte des transports ferroviaire, les cars Macron répondent à un besoin dans une période marquée par « le manque d’offre ferroviaire » et les envies de voyage. « Les gens se tournent vers le bus car cela répond à la question du prix et aussi de l’offre disponible », détaille-t-elle. L’argument du prix a convaincu Alex et Élie de relier Bruxelles à Poitiers en car, avec un changement à Paris Bercy. Gros sacs sur le dos après un voyage de 4 mois en Asie, le couple de trentenaires attend de pouvoir s’installer à leurs places. « On a regardé les tarifs des trains, mais on s’y est pris tardivement, raconte la jeune femme. Les prix n’avaient rien à voir : au lieu de payer 300 euros pour deux en TGV, on s’en est sorti pour 100 euros en bus. » Et tant pis s’il faut passer un peu plus de temps dans les transports. Cindy a délaissé pour la première fois le train pour rentrer à Reims : au lieu de 45 minutes sur le rail, le car met une heure de plus pour relier Paris à la préfecture de la Marne. « J’ai payé 15 euros au lieu de 50 », se réjouit l’hôtesse de caisse de 45 ans. La voiture reste le choix numéro 1 pour les vacances Pour partir en vacances, les Français optent toujours pour la voiture, mais moins qu’avant ! Selon un sondage OpinionWay pour Point S (*), 60 % des vacanciers choisissent leur voiture pour partir, une baisse de 7 points par rapport à 2024 et même de 15 points par rapport à 2020. Le covoiturage émerge (6 %, +3 points), tout comme le train (12 %, +3), tandis que l’avion reste stable, étant le choix de 17 % des vacanciers. Malgré son aspect polluant, la voiture est plébiscitée pour sa flexibilité et sa praticité. Mais l’écologie s’impose comme un facteur décisif dans les choix de mobilité : 30 % des Français modifient leurs habitudes de transport en faveur de solutions plus durables, selon un sondage OpinionWay pour Drivalia (**). Un engagement particulièrement fort chez les jeunes : 80 % des 18-34 ans optent pour les options plus écologiques, contre 21 % des plus de 65 ans. Ce critère environnemental fait une victime sur les trajets domestiques : l’avion. En 2024, les vols internes ont encore baissé de 5 % sur un an, soit une chute libre de près de 25 % depuis 2019, d’après l’ART. (*) Échantillon de 1018 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, du 28 au 29 mai 2025. (**) Échantillon de 1 053 personnes du 11 au 12 juin 2025. Des prix bas, mais des retards et des gares peu accueillantes Un peu plus loin sur le quai, Paul, 82 ans, attend son bus pour se rendre à Caen (Calvados), la peau bronzée par une semaine de randonnée dans les Alpes-Maritimes. Cet habitant de Gap (Hautes-Alpes) n’y « comprend plus rien » aux tarifs des trains. « C’est du folklore, les prix peuvent être multipliés par deux en fonction du moment où on achète », raconte l’ancien enseignant, désabusé. La tarification dynamique en fonction de l’offre et de la demande, très développée dans le monde ferroviaire et aérien, est également la règle pour les cars Macron. Mais la variation des prix à l’approche du départ est bien moindre pour les autocars que pour les trains et les avions, confirme une autre étude de l’ART, publiée en 2021 . Et les compagnies de bus ont une arme supplémentaire pour s’adapter : ajouter des bus au dernier moment, en fonction de la demande, ce qui est bien plus complexe pour les compagnies ferroviaires ou aériennes. A lire aussi Alors, le car est-il le transport idéal ? Paul confesse avoir une crainte en optant pour le car plutôt que le train : les retards. En 2024, le régulateur du transport a observé une « nette dégradation » de la ponctualité des autocars. Près d’un quart (24 %) d’entre eux sont arrivés à leur terminus avec 15 minutes de retard ou plus. C’est deux fois plus qu’en 2019. Un taux de retard largement supérieur à celui des trains Intercités (16 %) et des TGV (10 %), selon les chiffres de l’ART. Un autre écueil colle à la peau des cars Macron. « Certaines grandes gares routières affichent encore un niveau d’équipement très en deçà des standards attendus », selon le régulateur des transports. À Paris, la mairie avait décidé de fermer la gare de Bercy après les JO, très critiquée par les usagers pour son aspect « lugubre ». Faute de lieu alternatif prêt à accueillir les voyageurs, le déménagement est repoussé à l’horizon 2030.